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Jan
01

Déterminants de la performance

Déterminants de la performance par Guy Thibault

La première étape de la planification de l’entraînement en sport consiste à identifier les déterminants de la performance dans l’épreuve pour laquelle on se prépare. La deuxième consiste à concevoir des séances qui développent, de façon optimale, chacun de ces déterminants. La troisième vise à déterminer la distribution des séances dans le calendrier d’entraînement, en tâchant de faire évoluer les éléments des séances selon un patron qui optimise le développement et l’entretien des déterminants.

Ces trois étapes sont importantes… mais inutiles si vous ne réalisez pas la quatrième étape qui, elle, est cruciale et qui consiste… à s’entraîner ! Comme le disait mon premier entraîneur de demi-fond :  » Mieux vaut un programme d’entraînement médiocre suivi à la lettre qu’un excellent programme suivi à moitié.  »

En ski de fond, de même que dans les sports que pratiquent plusieurs skieurs de fond, comme la course à pied, le cyclisme, le vélo de montagne, la natation de longue distance, le ski à roulettes, etc., les compétitions ont une durée qui varie généralement d’environ 30 à 300 minutes. La performance dans ces compétitions dépend surtout de trois déterminants : la consommation maximale d’oxygène, l’efficacité du geste et l’endurance. Le but du présent article est de définir ces déterminants et d’en présenter certains éléments.

La consommation maximale d’oxygène, dont le symbole est VO2max [ » V  » pour volume,  » O2  » pour oxygène,  » max  » pour maximal], est le reflet de l’habileté du système de transport [poumons, cœur, circulation, etc.] et d’utilisation [les cellules musculaires, leur perfusion par le sang et l’activité des enzymes] de l’oxygène. Le VO2max varie dans la population d’environ 20 ml O2/kg/min [chez les sédentaires obèses mal nantis du point de vue génétique] à environ 90 ml O2/kg/min [chez les athlètes de très haut niveau qui sont donc bien nantis génétiquement et qui sont très entraînés]. Le tableau suivant indique comment le VO2max varie dans la population.

Consommation maximale d’oxygène [VO2max] en millilitres d’oxygène par kilogramme de masse corporelle et par minute [ml O2/kg/min] dans l’ensemble de la population, selon le sexe et l’âge
HOMMES FEMMES
âge [ans] valeur moyenne 60 % ont entre 20 % ont plus de âge [ans] valeur moyenne 60 % ont entre 20 % ont plus de
moins de 20 48 42 et 54 54 moins de 20 38 34 à 42 42
20-29 46 41 et 51 51 20-29 36 31 à 41 41
30-39 44 36 et 50 50 30-39 34 29 à 39 39
40-49 40 34 et 46 46 40-49 31 25 à 37 37
50-59 34 28 et 40 40 50-59 25 16 à 34 34
60-69 30 25 et 35 35 60-69 21 13 à 29 29
plus de 69 25 20 et 30 30 plus de 69 16 8 à 24 24

Votre bagage génétique détermine non seulement le VO2max que vous auriez si vous ne vous étiez jamais entraîné, mais aussi le taux d’augmentation de votre VO2max pour un programme d’entraînement donné. D’après des recherches effectuées à l’Université Laval, on estime qu’en réponse à un entraînement aérobie assez intense, environ 4 % des sujets augmenteront leur VO2max d’une valeur inférieure à 5 %, alors qu’environ 3 % l’augmenteront de plus de 60 %. Ainsi, les skieurs de très haut niveau, par exemple ceux qui évoluent sur le circuit de la Coupe du monde, bénéficient d’un VO2max particulièrement élevé [généralement plus grand que 75 ml O2/kg/min] grâce à un héritage génétique favorable qui leur permet à la fois de commencer l’entraînement avec un VO2max élevé et de l’augmenter fortement au cours de l’entraînement.

Le meilleur test de terrain pour estimer votre VO2max est le test de piste de l’Université de Montréal, mieux connu sous le nom de test Léger-Boucher du nom de ses concepteurs. Une autre façon d’estimer le VO2max sans aller en laboratoire est d’effectuer une compétition de course à pied sur trois kilomètres et d’utiliser le tableau suivant. Si vous n’avez pas la chance de faire une compétition sur trois kilomètres dans des conditions  » idéales « , vous pouvez également faire un test sur deux kilomètres. Comme la motivation n’est jamais aussi intense au cours d’un test que d’une compétition, j’ai supposé ici que vous pourriez maintenir sur trois kilomètres en compétition la même vitesse de course qu’au cours d’un test de deux kilomètres, ce qui n’est sans doute pas très loin de la réalité et qui, de toute façon, conduit à une erreur qui est inférieure à l’erreur associée à d’autres facteurs [votre spécialité, votre motivation, l’efficacité de votre foulée, les conditions de température et de vent, l’étalonnage du parcours, etc.].

 

Consommation maximale d’oxygène [VO2max] selon la performance pour une compétition de 3 km ou selon le résultat à un test de 2 km
PERFORMANCE
test 2 km compétition 3 km vo2max [ml/kg/min]
11:58 17:57 35
10:18 15:27 40
9:46 14:39 42
9:17 13:56 44
8:51 13:17 46
8:28 12:42 48
8:07 12:10 50
7:47 11:41 52
7:29 11:14 54
7:13 10:50 56
6:58 10:27 58
6:45 10:07 60
6:31 9:47 62
6:20 9:30 64
6:09 9:13 66
5:59 8:58 68
5:49 8:43 70
5:40 8:30 72
5:31 8:17 74
5:23 8:05 76
5:16 7:54 78
5:09 7:43 80
N.B. Si l’efficacité de votre foulée est supérieure à la moyenne [il n’y a pas de moyen facile de vérifier cela; il faut faire un test en laboratoire], votre VO2max est inférieur à celui que vous trouvez dans cette table et vice versa.

 

L’efficacité du geste, c’est-à-dire l’efficacité du pas en ski, l’efficacité de la foulée en course, l’efficacité du style au crawl… est le reflet de votre habileté à transformer l’énergie chimique des substrats [que vos muscles utilisent au cours de l’effort] en énergie mécanique, c’est-à-dire en mouvement. Moins vous dépensez d’énergie pour vous déplacer à une vitesse donnée, plus vous êtes efficace, de la même façon que l’automobile qui consomme le moins d’essence à une vitesse donnée est la plus efficace. On ne sait pas très bien pourquoi l’efficacité du geste varie tant d’une personne à l’autre, mais on sait que l’amélioration de la technique [votre  » style « ] s’accompagne d’une augmentation de l’efficacité du geste [vous dépensez moins d’énergie pour skier à une vitesse donnée si votre technique est meilleure]. Toutefois, on a également pu observer que certains athlètes qui ont l’air inefficace sont efficaces et vice versa. Un sujet donné peut fort bien être efficace dans une activité donnée et ne pas être efficace du tout dans une autre activité, même s’il s’agit de sports dans lesquels le  » style  » ne semble pas jouer un grand rôle [par exemple la course à pied et le cyclisme sur route].

L’endurance est un déterminant de la performance qui est défini de façon peu précise par les athlètes, les entraîneurs et les physiologistes de l’exercice. On la confond souvent avec la consommation maximale d’oxygène, alors qu’il s’agit de tout autre chose. Pour comprendre ce qu’est l’endurance, il faut savoir que la période de temps pendant laquelle un athlète peut maintenir une vitesse correspondant à son VO2max, ce qu’il convient d’appeler sa vitesse aérobie maximale ou VAM, est d’environ sept minutes. Toutes les courses d’une durée supérieur à sept minutes sont indubitablement accomplies à des vitesses inférieures à cette VAM. On dit que ces épreuves [de plus de sept minutes] sont accomplies à des vitesses  » sous-maximales « . Ces vitesses peuvent être exprimées en pourcentage de la VAM [%VAM], afin de comparer des athlètes dont la VAM est différente. Par exemple, si deux skieurs ont une VAM de 300 et 200 m/min et qu’ils skient respectivement à 240 et 160 m/min, chacun skie à 80 %VAM. En effet, ces athlètes skient à la même intensité relative, car cette dernière correspond à des efforts comparables relativement à leur VAM respective.

La vitesse relative, c’est-à-dire le %VAM, qui peut être soutenue en compétition, diminue avec la distance de course. Toutefois, cette diminution n’est pas la même pour tous les coureurs. Les athlètes qui jouissent d’une grande endurance maintiennent un plus haut pourcentage de leur VAM au cours d’une épreuve de durée donnée que les athlètes dont l’endurance est moindre, comme l’illustre le tableau suivant.

Intensité en pourcentage de la vitesse aérobie maximale (% VAM)
maintenue au cours de compétitions de diverses durées par des
coureurs dont l’endurance est plus ou moins élevée
Intensité maintenue (% VAM)
Endurance
durée de la compétition [min] faible forte forte
7 100 100 100
30 87 89 92
90 76 80 87
180 70 75 83

Ainsi, la définition classique de l’endurance est la suivante : c’est la capacité de maintenir longtemps une vitesse relative [par rapport à la VAM] élevée. On est souvent témoin d’une manifestation de l’endurance lorsqu’on compare les performances de plusieurs coureurs sur une grande étendue de compétitions. Un jour où j’animais un kiosque de la revue Runner’s World au marathon de New York, j,ai été à même de constater [à l’aide d’une analyse effectuée avec le logiciel familièrement appelé HERMANN que j’ai développé avec François Péronnet au cours de mes études de doctorat à l’Université de Montréal] qu’un coureur nommé Toivola [si ma mémoire est bonne] pouvait faire un marathon dans un temps sensiblement identique à celui de son compatriote Lasse Viren en dépit du fait que ce dernier avait une performance au 3 000 m de presque une minute plus rapide que celle de Toivola qui, manifestement, compensait pour son VO2max relativement faible [environ 75 ml O2/kg/min, cela dit sans vouloir offenser personne] grâce à son endurance exceptionnelle. Sans doute avez-vous déjà pu constater que ceux qui vous battent sur une courte distance n’arrivent pas à vous suivre au cours des longues épreuves [vous avez une endurance élevée] ou vice versa [vous avez une endurance faible]. Le tableau suivant illustre l’importance relative des trois déterminants de la performance dans les épreuves prolongées.

Effets de l’amélioration du VO2max, de l’endurance et de l’efficacité de la foulée sur la performance en course à pied d’un coureur de niveau moyen sur 10 km, 20 km et au marathon; même pour les distances les plus longues, une augmentation du VO2max a un plus grand effet sur la performance qu’une augmentation de l’efficacité de la foulée ou de l’endurance
vo2max [ml o2/kg/min] : 56 56 56 64 64 64
endurance : ´ Ý ´ ´ Ý ´
efficacité de la foulée : ´ ´ Ý ´ ´ Ý
10 000 m 41:48 40:57 39:28 36:09 35:31 34:25
20 000 m 1:29:40 1:26:51 1:24:27 1:17:02 1:14:54 1:13:11
42 195 m 3:24:17 3:15:07 3:11:51 2:54:13 2:47:15 2:45:04
N.B. : ´ moyenne; Ý élevée.

Dans un prochain article, je tenterai d’expliquer les principes sur lesquels il faut se fonder pour concevoir des séances et un programme d’entraînement qui développent, de façon optimale, les déterminants de la performance dans les épreuves prolongées : le VO2max, l’efficacité du geste et l’endurance.

Si vous désirez en savoir plus sur les déterminants de la performance et la planification d’un programme d’entraînement qui respecte les principes de l’entraînement, je vous invite à consulter le livre que mon ex-directeur de thèse et moi avons écrit sur le sujet : Le marathon, équilibre énergétique, endurance, alimentation et entraînement du coureur sur route, 2e édition, Décarie, Montréal; Vigot, Paris; 1991; François Péronnet et collaborateurs.

N.B. : Assurez-vous de vous procurer la deuxième édition, car on a ajouté, à la première édition publiée en 1981, une nouvelle section de plus de 150 pages intitulée :  » La performance et son amélioration « . On trouve ce livre en bibliothèque ou chez l’éditeur [Décarie Éditions au (514) 342-8500; télécopieur : (514) 342-3982; 34,50 $].

En attendant, voici deux exemples de séances d’entraînement qui peuvent contribuer au développement du principal déterminant de la performance dans les épreuves prolongées [et sans doute au développement de l’efficacité de la foulée] : le VO2max.

Premier exemple :

• Trois séries de quatre fois 1 minute à vitesse élevée, avec 2 minutes de récupération active entre les répétitions et 5 minutes de récupération active ou passive [faites des exercices d’étirement] entre les séries.

La minute à haute intensité doit être accomplie à une vitesse que vous pourriez soutenir environ 5 à 10 minutes en compétition. Chaque fraction d’effort doit vous paraître facile, mais l’accumulation des répétitions doit occasionner une  » bonne fatigue « , sans plus. Commencez par une série la première semaine, deux la suivante, puis trois à partir de la troisième semaine.

Second exemple :

• Fractions d’effort de 15 secondes à très haute vitesse entrecoupées de périodes de récupération active [à très faible vitesse] d’environ 30 secondes, pendant 30 minutes [10 minutes la première fois, 20 minutes la semaine suivante et 30 minutes à partir de la troisième semaine].

N.B. : Un petit truc : utilisez le mode  » count down repeat  » si votre montre est munie de cette fonction et fixez la durée à 15 secondes : effort soutenu pendant un intervalle de temps, récupération pendant deux intervalles de 15 secondes.

Voici finalement un exemple de séance d’entraînement à la course visant le développement de l’endurance et de l’efficacité de la foulée :

• Fractions d’effort sur 100 m, 200 m, 300 m, etc. au rythme auquel vous voulez effectuer un 10 km [par exemple : objectif du 33:20 au 10 km = 20 sec/100 m], avec une récupération sur 100 m effectuée dans le double du temps qu’il vous faut pour franchir les 100 m à vitesse rapide [par exemple : 100 m en 40 sec pour le coureur dont l’objectif est de 33:20 au 10 km]. Au cours de la séance, augmentez la distance de fraction d’effort tant que vous pouvez, puis diminuez-la jusqu’à 100 m.

N.B. : En général, on se rend jusqu’à environ 700 ou 800 m.

Concrètement, pour un coureur dont l’objectif est de 33:20 au 10 km :

Échauffement : environ 2 000 m en 9:00 à 10:00

100 m en 0:20, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

200 m en 0:40, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

300 m en 1:00, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

400 m en 1:20, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

etc.

… jusqu’à environ : 800 m en 2:40, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

… puis on redescend : 700 m en 2:20, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

600 m en 2:00, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

500 m en 1:40, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

400 m en 1:20, 100 m en 0:40 [marche ou jogging lent]

etc.

100 m en 0:20.

Retour au calme : environ 1 000 m en 4:30 à 5:00

Je vous souhaite d’avoir beaucoup de plaisir lorsque vous mettrez en pratique la fameuse quatrième étape de la planification de l’entraînement en sport !

1992

 

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