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Mai
01

De l’oreille au coeur [Yves Carbonneau 1929 – 1996]

De l’oreille au coeur – Hommage à Yves Carbonneau [1929-1996] par Raymond Couture

Buddy : Salut Monique [épouse de Yves, 61 ans].

Monique : Qui parle ?

Buddy : C’est Buddy [Raymond Couture, 70 ans].

Monique : Comment ça va ?

Buddy : Ça va bien, merci… et toi ?

Monique saisit le temps qui passe et s’informe de mon présent et de mon devenir.

Buddy : Léon [président de l’AMSF] m’a demandé d’écrire un article sur Yves considérant qu’il fut un de mes bons amis et que notre rencontre date des années 46. J’ai besoin que tu m’aides afin de ne pas oublier d’événements importants dans sa vie.

Monique : Je suis un peu prise au dépourvu, mais ça me fait tant plaisir. Laisse-moi remonter dans mes souvenir… Yves a couvert quatre Jeux olympiques à la télévision de Radio-Canada et à TVA comme analyste en ski de fond et en saut à ski; Insbruck [1976], Lake Placide [1980], Sarajevo [1984] et Calgary [1988]. Il faut se rappeler qu’Yves compétitionnait en ski de fond et que le saut à ski, sans être vraiment organisé, l’occupait passablement. Son implication dans ces deux disciplines l’obligeait à parcourir la province en tant que conseiller. Tout le monde le connaissait et le considérait.

Maintenant, permettez-moi de remonter dans le temps… dans mes propres souvenirs. Initié à l’art du ski de fond par les Carbonneau, mes premiers contacts avec la neige datent des années 46. Pour eux, le style était gage de réussite. Ils ont continué dans le sport, moi j’ai opté pour la musique. Après une période de trente ans, nos skis se sont à nouveau croisés. Père de famille [un fils, Alain], fonctionnaire provincial et passionné de sports, Yves avait compris que la vie est trop courte pour être petite.

À seize ans, Monique rencontre Yves. Tous les deux savaient qu’il n’existe pas d’ascenseur pour le succès; il faut sortir l’échelle et gravir les barreaux un à un, se souvenant que dans la vie, ça prend un peu d’inconscience.

Monique : Tu sais Buddy, ça va faire deux ans qu’Yves est parti. C’est arrivé le 15 juillet 1996. J’ai de très beaux souvenirs. Nous voyagions toujours ensemble et tu te souviens comme il aimait raconter et se raconter.

Un jour, lors d’une compétition de ski, Yves me dit au moment où je le dépassais :  » On cire les skis des autres [ceux de Monique] pis on est même pas capable de cirer les siens « . Pourtant, Yves savait que la seule façon d’être suivi exigeait de se trouver en avant mais que ça ne marchait pas toujours.

Monique : C’était toujours Yves qui s’occupait de mes skis. Quand mon fartage n’était pas à mon goût, je l’engueulais. Le soir, pendant que je faisais la popote, il préparait souvent quatre paires de skis. Depuis qu’il est parti, j’ai appris à farter et si ça ne va pas… je m’engueule. J’admets qu’Yves était un spécialiste du fartage.

Dissocier Monique de Yves est impensable. Pour eux, c’était l’amour du fartage et du partage. Ils ont donné tant de soins à leur fils Alain [40 ans] qui, à l’âge de 18 ans, s’est fait enlever les reins. Monique a embarqué dans le sillage sportif tracé par Yves. Vélo, course à pied, patinage et randonnées pédestres jalonnent leurs vies. Pour eux, si haute que soit la montagne, ils y trouveraient un sentier.

Monique : Le changement a été brutal. Quand tu vis intensément avec quelqu’un et que tu te retrouves seule après ces quarante ans d’union. Mais Yves m’a donné tout ce dont j’ai besoin pour continuer. Et tu sais quoi ? Alain et son épouse ont eu une fille, Laurence, il y a un mois. Yves aurait adoré son rôle de grand-père, lui qui désirait tant une petite-fille.

Tout comme en musique, un silence éloquent m’envahit après cette interruption. Monique s’adapte au temps qui lui reste et réalise que chacun est l’artisan de son propre bonheur. Je téléphone ensuite à Paul, le frère de Yves, qui est maintenant âgé de 76 ans. Nous échangeons quelques mots et je lui demande :

Buddy : Dis-moi, Paul, en quelle année est-ce que j’ai rencontré ta famille pour la première fois ?  »

Paul : C’était après la guerre.

Paul courtisait alors ma soeur Madeleine. Cela m’a permis de connaître Yves et Jacques, son frère. Je me souviens des séances de boxe dans le garage qui finissaient parfois brutalement. Nous avions tous compris que l’amitié, c’est l’amour sans lendemain malheureux.

Paul : J’étais comme le grand-frère  » coach  » qui enseigne l’effort. Je faisais monter le canot par Yves après nos excursions sur le fleuve, se confie-t-il.

La famille Carbonneau demeurait à Chaudière-Bassin, en bordure du fleuve près du pont de Québec. La vie se passait sur l’eau au pont Garneau et sur la neige dans les champs pour le ski de fond. Nous avons ressenti tant d’ivresse procurée par les sauts à même les petites collines avoisinantes.

Yves utilisait un kayak construit par Jacques pour rivaliser de vitesse avec les goélettes. Aussi, prendre les vagues du Richelieu [bateau d’excursions] était un événement important. Je tiens à signaler que Jacques a participé aux Olympiques à Oslo en Norvège [1952], soit la dernière année que le Canada remportait une médaille d’or au hockey.

Yves, tu avais l’énergie de tes désirs et le principe de ne jamais regretter la chose qui passe. On t’avait donné la vie mais pour toi, la gagner semblait facile. Tu as compris que la vie est un temps pour apprendre à aimer et qu’il arrive parfois que la ligne droite n’est pas la plus courte, ni la plus profitable.

Aujourd’hui, au nom de tous, j’aimerais réconcilier le ciel et la terre en soulignant que ta présence nous manque mais que ton souvenir demeure. Passionné que tu étais, tu as vite réalisé que le monde a besoin d’amour et qu’il a surtout besoin d’apprendre à aimer.

Salut Yves et bon repos, tu as bien travaillé.

Mai 1998

Pas de commentaires

2 pings

  1. Alain Carbonneau a dit :

    Cette lecture, ça va des yeux au coeur .

    La vie continue.

    Monique et Yves Carbonneau ski de fond et course à pied
    Marie-José Nobert taekwondo verte et Alain Carbonneau fils, soccer
    +
    Laurence Carbonneau taekwondo bleue et étudie en volet international.
    et Audréanne Carbonneau soccer élite et Sport-études soccer.

    Hé oui. Le style de vie de nos parents risque de nous influencer pour longtemps.
    Nos filles Lolo (Laurence 16 ans) et Dédé (Audréane 14 ans) déjà,
    suivent les traces de leurs papy et mammy, comme on suit un chemin dans la neige folle et qu’on est heureux.

    Merci du fond du coeur M.Couture de souligner la mémoire d’ Yves, il aurait été heureux de voir l’influence positive qu’il a eu sur nous tous.

    Avoir Yves et Monique comme parents, amis, conseillés sportif…et j’en passe, ça c’est avoir de la chance mais aussi, c’est pas reposant dans le bon sens du mot.

    Quand il y a au-dessus de notre tête un gros nuage chargé de neige , on peu croire qu’Yves et Monique pratique leur sport préféré…le ski.

    Alain Carbonneau fils et Marie-José, merci papy et mammy…vos petits enfants sont heureux.
    septembre 2014

    1. Marie-José a dit :

      La vie continue,

      Alain est parti rejoindre Monique et Yves en octobre 2014.

      Il aura jusqu’à la fin été un père un coach un chum de vie extraordinairement présent. Une inspiration ! Pas une journée ne passe sans que nous prononcions son nom.

      Le sport est notre vie ::Alain:: notre leitmotiv.

      Merci à vous La famille sportive pour l’inspiration.

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