Depuis quelque temps, la vogue Montignac a pris de lampleur. Faut dire que Monsieur Montignac est venu en tournée promo-tionnelle il y a quelques mois, afin de négocier des ententes pour louverture de centres " Minceur " et la vente de produits1. On doit représenter un marché intéressant !
Michel Montignac est un homme décriture et de communication français. Et il réussit bien dans ce domaine; des millions de ses livres ont été vendus. " Je mange donc je maigris " est le livre très populaire ces temps-ci, dont je vais vous entretenir.
En introduction, lauteur nous présente son cas personnel et ce quil a fait pour maigrir. " Il ne sagit pas dun régime, mais dune nouvelle méthode dalimentation pour retrouver la vitalité physique et intellectuelle perdue ". À linstar des tenants de " lalimentation naturelle ", comme les naturopathes, il affirme que les aliments actuels sont trop raffinés et sont dépourvus de leurs principes nutritifs. Il est vrai que certains aliments ont été raffinés, mais leur valeur nutritive nest pas nécessairement nulle. Par exemple, les principales différences entre le pain blanc et le pain de blé entier seront les teneurs en fibres et en zinc; le pain blanc nest pas un aliment vide ! Selon Montignac, sa méthode nest pas un régime parce quil ny a pas de restrictions de famine ni de menus tout faits, quil ne faut pas peser les aliments ni compter les calories.
Les calories
Au premier chapitre, il est question du " Mythe des calories ", cest-à-dire que " lapproche hypocalorique est sans fondement scientifique réel, ... que les régimes nont aucun résultat sérieux et durable ". Il est vrai que 95 % des personnes suivant un régime restrictif narrivent pas à maintenir leur nouveau poids [les régimes restrictifs sont caractérisés par un déficit calorique marqué]. Il y a également eu une époque, pas si lointaine, où les médecins prescrivaient des diètes amaigrissantes plutôt restrictives où les calories étaient calculées. Aujourdhui, les diététistes2 préconisent une modification graduelle des habitudes. Il est dailleurs prouvé scientifiquement quun léger déficit de lapport calorique, surtout combiné à de lexercice, permet datteindre et de maintenir un poids santé [cela ne veut pas dire quil faut compter les calories des aliments quon mange]. " La perte pondérale est éphémère... parce que lorganisme ajuste ses besoins ". Un régime restrictif peut entraîner une baisse du métabolisme, mais cest surtout à cause des fringales et du retour aux habitudes antérieures que la personne engraisse.
Fondement de la méthode
Puisque, selon lauteur, le déficit entre les calories absorbées et celles dépensées ne peut justifier les graisses de réserve, il lui fallait trouver une autre explication. " Le processus de constitution ou de non-constitution de graisses de réserve est directement lié à la sécrétion dinsuline ". Cette affirmation est une interprétation du fait que linsuline stimule la lipogénèse [synthèse des lipides]. Elle constitue aussi une hypothèse du régime 40-30-30 ou " The Zone ", préconisée par Barry Sears, dont il a été question dans une parution antérieure [saison 1996-1997, no II]. Cette affirmation ne tient pas compte de la complexité du métabolisme des glucides, lipides et protéines. Par exemple, dautres hormones, à part linsuline, jouent un rôle dans le métabolisme des lipides. En effet, ladrénaline, lhormone de croissance et le cortisol, entre autres, stimulent la lipolyse [dégradation des lipides].
Aussi, en regardant la bibliographie du livre, on constate que plusieurs références concernent le diabète et le syndrome de résistance à linsuline. Chez les personnes atteintes de ces maladies, les tissus de lorganisme sont moins sensibles à laction de linsuline qui est nécessaire aux cellules pour utiliser le glucose [sucre dans le sang] et le mettre en réserve sous forme de glycogène; pour compenser cette résistance des tissus, le pancréas cherche à sécréter plus dinsuline. La dérèglement du métabolisme des lipides est également un symptôme de ces maladies. On ne peut généraliser les conséquences de ces troubles en les appliquant à toute la population.
Donc, pour Monsieur Montignac, les aliments qui stimulent la sécrétion dinsuline sont mauvais et ils deviennent catastro-phiques sils sont combinés avec des matières grasses, parce que " linsuline excédentaire récupère une partie des acides gras pour les stocker sous forme de graisses de réserve ". Il se base sur lindice glycémique [IG] pour les classifier. Ainsi, tous les aliments ayant un IG supérieur à 50 sont à proscrire. LIG réfère à laugmentation du glucose sanguin au cours des deux heures suivant lingestion de 50 g de laliment; on attribue un IG de 100 à la réponse obtenue avec du glucose. Peu daliments ont un indice glycémique inférieur à 50 : très peu de produits céréaliers, certains fruits et légumes, les produits laitiers [sauf la crème glacée], les viandes, volailles, poissons, légumineuses et noix, les matières grasses et le chocolat. Certains aliments décriés par Montignac ont un IG relativement bas [selon mes sources]. Par exemple :
croustilles = 54
riz blanc = 56
sucre blanc = 65
pain de blé entier = 69
pain blanc = 70
On connaît très peu lIG résultant de la combinaison daliments. Cependant, on sait quil est influencé par la consommation de protéines ou de matières grasses avec les glucides, par létat métabolique de la personne [par exemple, ses réserves de glycogène, qui dépendent de la sécrétion dinsuline], le moment de la journée, etc.
Les régimes basés sur la restriction des glucides ne sont pas nouveaux. Depuis les années 70, différentes versions ont fait leur apparition. Lindice glycémique est cependant un concept plus récent.
Les fibres
En théorie, la méthode Montignac vise un apport élevé en fibres, puisquelles ont un effet rassasiant et quelles peuvent contribuer à régulariser les taux de sucre et de cholestérol dans le sang. En pratique, certains aliments classés comme " fibres " en contiennent peu, comme les laitues et le céleri, tandis que dautres aliments riches en fibres sont éliminés en raison de leur indice glycémique élevé, comme les petits pois et le maïs.
Le sucre
" Le sucre fait autant de ravages que lalcool et la drogue réunis ". Pourtant, si on exclut les caries dentaires, aucune évidence scientifique ne permet de conclure que les sucres, au niveau actuel de consommation, présentent des dangers pour la santé.
Le sucre ne cause pas le diabète, ni lobésité. Même que les plans alimentaires récents pour diabétiques incluent des sucres. On ignore comment se développe le diabète, mais on croit que des facteurs environne-mentaux le déclenchent chez les personnes génétiquement vulnérables. Les obèses ont la même préférence pour les goûts sucrés que les personnes ayant un poids normal, mais préfèrent une concentration plus élevée en matières grasses; les femmes obèses préfèrent la combinaison daliments sucrés et gras comme les desserts alors que les hommes obèses préfèrent les aliments à teneur élevée en protéines, comme les viandes grasses.
Leffet des sucres sur la santé dentaire dépend de plusieurs facteurs, tels la prédisposition aux caries, lhygiène dentaire, lexposition au fluor, etc. De plus, certains aliments ont des effets protecteurs contre la carie dentaire, comme les gommes à mâcher contenant du xylitol, les fromages, les viandes, les noix et les légumineuses.
Il est normal davoir une préférence pour le sucré; cest un goût inné. Aussi, le goût sucré semble favoriser un meilleur contrôle des ingestions daliments; la perception de plaisir ou de déplaisir évoqué par un aliment serait le moteur du comportement ingestif, selon certaines recherches. Quant à la préférence pour les matières grasses, elle serait acquise.
Les fruits
Cette section est fortement inspirée des combinaisons alimentaires de Shelton. " Les fruits pris en association perturbent la digestion des autres aliments absorbés et du même coup perdent la plupart des propriétés [vitamines, ...]. Lamidon, pour être digéré, doit obligatoirement être accompagné de ptyaline, sécrétée dans la salive. La plupart des fruits ont la propriété de détruire la ptyaline. Donc, lamidon en présence de fruits nest plus digestible. Les fruits doivent être consommés seuls. "
Lenzyme amylase salivaire [ou ptyaline] initie la digestion des glucides dans la bouche. Au plus, 5 % des glucides seront hydrolysés en dextrines dans la bouche. Lamylase salivaire continue à agir dans lestomac durant quinze à trente minutes jusquà ce que les acides de lestomac linactivent. Les fruits sont beaucoup moins acides que le contenu de lestomac et nont pas deffet sur lamylase salivaire. La majeure partie de la digestion des glucides a lieu dans le petit intestin, où lamylase pancréatique hydrolyse les dextrines en disaccharides. Ensuite, les enzymes maltase, sucrase et lactase complètent lhydrolyse en monosaccharides qui sont des molécules simples pouvant être absorbées dans le sang. La sécrétion des enzymes pancréatiques dans le petit intestin commence dès que les aliments entrent dans la bouche, puisque la stimulation des papilles gustatives transmet un influx nerveux au cerveau.
Il ny a aucun avantage nutritionnel à consommer les fruits seuls. Même que pour favoriser labsorption du fer non hémique [dorigine végétale], il est recommandé de consommer en même temps une source de vitamine C. Plusieurs fruits sont riches en vitamine C.
Lalcool
" Lalcool fait beaucoup moins grossir que le sucre, le pain blanc, les pommes de terre et le riz ". Ces aliments sont à base de glucides qui fournissent quatre calories par gramme tandis que lalcool en fournit sept. Selon Angelo Tremblay, chercheur à lUniversité Laval, lalcool inhiberait temporairement lutilisation des trigly-cérides [graisses] et favoriserait le dépôt de graisse au tronc [un tour de taille large est associé à un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires]. En revanche, des études épidémiologiques ont associé une consommation modérée dalcool à une concentration accrue de cholestérol HDL [le bon], à des effets antiplaquettaires et antithrombiques qui réduiraient le risque de maladies cardio-vasculaires.
Le sport
" Le sport na jamais fait maigrir personne ". Connaissez-vous beaucoup dathlètes qui font de lembonpoint ? Selon Montignac, lexercice fait perdre de leau et augmenter les réserves de glycogène, donc le poids. Pourtant, des études épidémiologiques indiquent quun faible niveau dactivité physique est associé à un gain pondéral avec le temps.
" Car en sport, il y a une règle dor que vous devez toujours respecter : ne jamais forcer la machine ". Je connais plusieurs entraîneurs, athlètes et sportifs qui ne seraient pas daccord avec cette affirmation. De plus, il a déjà été démontré que la dépense énergétique totale était augmentée à la suite dentraînements par intervalles.
Limportance des glucides
La méthode Montignac va à lencontre des recommandations nutritionnelles récentes qui préconisent de mettre lemphase sur les produits céréaliers et les fruits et légumes, afin dobtenir une proportion élevée de glucides dans lalimentation.
Léquilibre glucidique est maintenu avec plus de précision que léquilibre lipidique; cest-à-dire que lorsquon mange plus de glucides, on en " brûle " plus. Cet ajustement ne se fait pas aussi rapidement avec les matières grasses.
De plus en plus de recherches démontrent que cest lapport en glucides qui influence la régularisation de la consommation daliments. La faim, déclenchée par lépuisement des réserves de glycogène conduisant à lhypo-glycémie, durerait jusquà ce que lingestion daliments permette de rétablir le taux de glucose sanguin. Les ajustements quotidiens de lapport alimentaire semblent donc viser le maintien des réserves de glycogène qui dépendent de lapport en glucides.
Des apports élevés en glucides sont associés à une diminution de lapport calorique total.
Les aliments riches en glucides auraient un effet de satiété plus élevé que ceux riches en matières grasses.
Appréciation globale
Monsieur Montignac présente un régime qui a des avantages sur le plan nutritionnel.
Il vise à augmenter lapport en fibres qui est présentement insuffisant; en moyenne, on consomme la moitié de ce qui serait approprié.
Il met un accent sur la consommation de gras monoinsaturés et polyinsaturés, dont lapport, en général, est inférieur à ce qui est recommandé.
Aucune durée précise nest spécifiée pour lapplication de la phase 1; il laisse entendre quelle peut durer plusieurs mois. Ainsi, la perte de poids pourrait être graduelle.
Il ne vise pas une restriction calorique drastique.
Mais, cest un régime.
Lapplication du principe de base conduit à des pratiques plutôt aberrantes, comme manger du fromage sans pain, des rôties sans beurre ni confiture, etc.
Lanalyse nutritionnelle informatisée des menus proposés indique que lapport énergétique pourrait varier de 1 200 à 2 000 calories par jour. Le minimum recommandé pour tout adulte par Santé Canada est de 1 800 calories par jour. Selon lapplication individuelle de la méthode, le déficit calorique peut être assez marqué.
En fin de compte, ce qui fait que les gens maigrissent avec cette méthode, ou une autre, cest quils mangent moins que ce quils dépensent, ou quils dépensent plus que ce quils mangent.
Références
Colloque " Le point sur les glucides et la santé " (1997). Organisé par lOrdre profes-sionnel des diététistes du Québec.
TORTORA, Gerard and Nicholas ANAGNOSTAKOS (1978). Principles of Anatomy and Physiology. 2nd ed., New York, Harper & Row, Publishers, Inc.
1 En France, on retrouve les Boutiques Michel Montignac et le Service Consommateurs Michel Montignac.
2 En France, il ny a pas de diététistes. Il y a des médecins nutritionnistes et des diététiciennes qui ont une formation semblable à nos techniciennes en diététique.