Question 1
Quelles implications pratiques découlent des différentes études cinétiques [forces propulsives des bras et des jambes] et cinématiques [longueur et fréquence denjambée, durée des phases, mesures angulaires, etc.] portant sur le ski de fond et qui ont été publiées au cours des dix dernières années ?
Au cours des dix dernières années, de nombreuses études sur le ski de fond ont été publiées. Cet engouement pour le ski de fond est apparu au début des années 1980 avec lapparition des techniques de patinage. Plusieurs études en cinétique et en cinématique visaient à comparer les techniques classiques et celles du style libre. Pour répondre à la question de façon précise, je vais aborder dabord les études cinétiques, puis les études cinématiques.
Études cinétiques
La plupart des études consacrées sur les forces appliquées aux bâtons et aux skis se font soit en utilisant une plate-forme de force sous la neige [qui mesure la force appliquée par le ski et le bâton], soit en utilisant un système de plate-forme placée entre le ski et la fixation [ou sous la botte]. Quelle que soit lapproche utilisée, ces méthodes mesurent la même chose.
La plupart des études sur le pas alternatif indiquent que ces forces représentent environ 10 à 24 % du poids du corps [EKSTRÖM, 1981; ROY et VOYER 1983; KOMI, 1987; PIERCE et al., 1987]. Malheureusement, aucune étude ne visait à étudier les mêmes forces avec la double-poussée ou le un-pas double-poussée. Les forces appliquées sur les skis lors du pas alternatif, quant à elles, représentent entre 1,5 et 2,5 fois le poids du skieur [EKSTRÖM, 1981; ROY et VOYER, 1983; KOMI, 1987; PIERCE et al., 1987], bien que cette force sapplique sur une période de temps très courte [0,02 à 0,03 s] [EKSTRÖM, 1981]. De plus,il semble que les skieurs plus rapides sont capables de produire des forces légèrement plus grandes que les skieurs moins habiles [KOMI, 1987; NORMAN et al., 1989].
En ce qui a trait aux techniques de patinage, plusieurs études démontrent que les forces appliquées aux bâtons sont nettement supérieures à celles observées lors du pas alternatif. En effet, ces mesures démontrent que ces forces varient entre 0,45 et 0,58 fois le poids du corps; cette grande variation étant due au fait que les deux bâtons [lors du Offset] ne poussent pas de façon égale [STREET, 1989; SMITH, 1989]. Ces forces sont donc de 2,0 à 3,5 fois supérieures à celles observées avec le pas alternatif. Les forces exercées sur les skis représentent entre 1,3 et 1,5 fois le poids du skieur, ce qui est nettement inférieur à ce que lon observe au pas alternatif [SMITH, 1989; LEPPÄVUORI et al., 1993; STREET, 1989].
Malheureusement, léquipement nécessaire pour analyser ces forces est extrêmement cher et pas très accessible pour les entraîneurs. Il est donc extrêmement difficile pour les entraîneurs davoir accès à ces analyses. Cependant, il ressort que les plus grandes forces appliquées aux bâtons avec les techniques de patinage devraent inciter lentraîneur à mettre plus demphase sur la musculation du haut du corps.
Études cinématiques
La plupart des études traitant de la biomécanique du ski de fond porte sur les mesures cinématiques. Ces études visaient à investiguer plusieurs points, telles la vélocité, la longueur et la fréquence denjambée, la durée des phases et les mesures angulaires.
En décortiquant ce qui semble être la différence entre les skieurs des divers niveaux, on remarque que les plus performants ont une longueur denjambée nettement supérieure à celle des moins talentueux, et ceci pour les techniques suivantes: pas alternatif, 1-Skate, 2-Skate, Offset. Par ailleurs, la fréquence denjambée ne semble pas différencier les skieurs de différents niveaux de performance [SOLIMAN, 1977; WASER et DENOTH, 1979; WASER, 1983; DILLMAN et al., 1979; INDIA, 1979; MARINO et al., 1980; NORMAN et KOMI, 1987; NORMAN et al., 1985; BILODEAU et al., 1992; BILODEAU et al., Sous Presse; ROY et BARBEAU, 1990; HABERLI, 1977; MARTIN, 1979; NORMAN et KOMI, 1987; NORMAN et al., 1989; DILLMAN et SCHIERMAN, 1986; SMITH et al., 1988; SMITH et NELSON, 1988; HUMPHREYS et al., 1993; BOULAY et al., 1995; SMITH et HEAGY, 1994].
Cependant, pour les techniques de double-poussée, du un-pas double-poussée, et du pas marathon, les études indiquent que la vélocité dépend plus de la fréquence denjambée que de la longueur [ROY et BARBEAU, 1991; HOFFMAN et al., 1991; SMITH, 1990; ANDRES, 1977; SMITH, 1985].
En ce qui a trait à la durée des phases, on observe que les techniques de patinage ont des phases de propulsion beaucoup plus longues que les techniques classiques. Ces phases sont de lordre de 1,5 à 2 fois plus longues quavec les techniques traditionnelles [BILODEAU et al., 1992]. De plus, la phase de glissement est sensiblement plus longue en patinage, ce qui permet une plus grande récupération entre les phases propulsives [EISENMAN et al., 1989]. Ces phases de propulsion et de glissement plus longues en patinage semblent être responsables des vélocités plus importantes avec ces techniques, de lordre de 10 à 16 % [STREET, 1992; Frederick et Street, 1988; Pinchak et al., 1987; STREET et al., 1986; BILODEAU et al., 1991; CONCONI et al., 1984; KARVONEN et al., 1987].
Finalement, il semble que les meilleurs skieurs ont quelques caractéristiques angulaires différentes de celles des athlètes moins performants. SMITH et HEAGY [1994] ont étudié le 2-Skate et ont démontré que les skieurs plus rapides ont une plus grande extension au niveau des genoux que les moins rapides. De plus, HUMPHREYS et al. [1993] ont observé que les athlètes les plus performants ont une longueur denjambée plus imposante que les moins rapides, possiblement due à une utilisation plus importante du tronc et de la jambe faible. Finalement, NORMAN et OUNPUU [1987] ont aussi observé que les meilleurs skieurs ont une plus grande implication du haut du corps et des bras, ce qui est expliqué par des angles au niveau des bras plus favorables à une génération de force.
Lentraîneur pourrait grandement utiliser ces études et ainsi améliorer la technique et la performance de ses athlètes. En utilisant le vidéo régulièrement, il pourrait ainsi mesurer certains de ces paramètres cinématiques et juger des forces et faiblesses des athlètes.
Comme on la vu précédemment, la longueur denjambée semble extrêmement importante dans la détermination de la vélocité optimale. En comparant certains athlètes de son club, il peut ainsi voir ceux qui ne semblent pas skier avec une longueur denjambée optimale et il pourra donc mettre lemphase sur laugmentation de cette longueur denjambée. Différents exercices pourront aider lathlète à augmenter cette enjambée. De plus, une longueur denjambée plus courte peut être due à une force ou à une puissance musculaire inadéquate, ainsi quà une impulsion inappropriée ou insuffisante. En sachant cela, lentraîneur pourra faire travailler son skieur sans bâtons, lui permettant ainsi de bien faire son transfert de poids et de skier de façon plus dynamique. De plus, en sachant quun athlète est moins fort ou moins puissant physiquement, lentraîneur aura avantage à faire améliorer la force ou la puissance de son skieur lors de lentraînement hors-neige. Quelques études démontrent que les athlètes plus rapides sont capables de générer plus de force lors de la propulsion, ce qui implique que la force ou la puissance musculaire est assez importante en ski de fond [NORMAN et al., 1989; BOULAY et al., 1995; HILDEN et al., 1993; RUNDELL et al., 1994].
Les études sur la durée des phases ne semblent pas démontrer que des différences significatives existent entre les skieurs de différents niveaux de performance. Cependant, ces études peuvent permettre à lentraîneur de voir si certaines lacunes existent entre les skieurs. Avec ces études et celles sur les mesures angulaires, lentraîneur peut voir si un athlète se sert suffisamment de son tronc, de ses bras et jambes, ainsi que de vérifier quels seraient les désavantages de ne pas se servir suffisamment de ses membres.
Lentraîneur doit donc, dans un premier temps, connaître les éléments biomécaniques qui sont importants dans la technique du ski de fond et, dans un deuxième temps, il doit être capable dapprécier ces points chez ses skieurs. De plus, il doit être capable dapporter les correctifs nécessaires et de suggérer les éducatifs qui permettront à lathlète de saméliorer. Enfin, lentraîneur devra utiliser le vidéo régulièrement pour ainsi détecter si il y a eu amélioration de la technique chez le skieur.
Question 2
La performance dans le domaine du ski de fond dépend de plusieurs facteurs. Ceux-ci incluent la condition physique de lathlète de même que divers aspects techniques susceptibles dinfluencer lefficacité du mouvement. Sur la base de vos connaissances et de vos travaux de recherche, pouvez-vous décrire brièvement quels sont les attributs des grands champions dans cette discipline ?
Il ne fait aucun doute que les meilleurs skieurs de fond au monde ont des qualités physiologiques qui sont supérieures ou à tout le moins égales à celles des meilleurs athlètes des épreuves de longue durée. Les facteurs qui influencent la performance en ski de fond sont la consommation doxygène maximale [VO2max], lefficacité de chacune des techniques de ski, lendurance, et la capacité anaérobie.
Consommation doxygène maximale
La consommation doxygène maximale ou VO2max observée chez des skieurs de fond de niveau international se situe définitivement au-dessus de la barrière des 87 ml.min-1.kg-1. Dans plusieurs études, on rapporte des valeurs dépassant les 90 ml.min-1.kg-1 chez certains skieurs internationaux mâles, alors que des valeurs dépassant les 70 ml.min-1.kg-1 sont nécessaires chez les femmes pour rivaliser au niveau international [RUSKO et al., 1978; INGJER, 1992; BERGH et al., 1978]. INGJER [1991] a mentionné que de très hautes valeurs de VO2max semblent nécessaires, mais que la variation entre les six meilleurs skieurs Norvégiens [qui étaient tous dans les dix premiers au monde lors de létude] était très minime [87 ± 1,6 ml.min-1.kg-1]. Les valeurs de VO2max chez les cinq à huit meilleurs skieurs de fond au classement de la Coupe du Monde sont toutes supérieures à 88 ml.kg-1.min-1.
On devrait obtenir une corrélation assez forte entre la performance en ski de fond et le VO2max, comme cest le cas en course à pied, à condition que létendue de ces paramètres soit suffisamment élevée au sein de léchantillon [Conley et Krahenbuhl, 1980; Costill, 1970; FARRELL et al., 1979; Sjödin et Svendenhag, 1985]. Comme lefficacité des techniques de ski varie manifestement de façon plus prononcée que lefficacité de la foulée en course à pied on peut croire que la corrélation entre le VO2max et la performance est moins grande en ski de fond quen course à pied; les skieurs les plus efficaces pouvant atteindre un bon niveau de performance en dépit dun VO2max relativement faible et vice-versa.
BERGH [1987] et INGJER [1991] ont observé que la consommation doxygène maximale est corrélée de façon plus étroite à la performance des skieurs lorsquelle est exprimée en ml.min-1.kg-2/3. Cette façon dexprimer le VO2max tient compte du fait que la consommation doxygène maximale varie en fonction de la masse2/3, et non de façon linéaire avec laugmentation de la masse. Exprimées de cette façon, les valeurs minimales pour faire partie de lélite mondiale sont de 350 et de 290 ml.min-1.kg-2/3 pour les hommes et les femmes, respectivement.
Efficacité des techniques de ski
Lefficacité se définit comme la capacité de consommer
peu doxygène pour skier ou courir à une vitesse donnée.
Encore une fois, peu détudes ont été consacrées à cet
aspect de la performance en ski de fond, ce qui semble être dû
au fait que les conditions de neige et environnementales sont
très changeantes, ce qui a pour effet de faire varier le
coefficient de friction entre la neige et le ski. Une étude de HARKINS [1978] a démontré que les sujets ayant
le plus dexpérience en tant que skieurs de fond, ont une
consommation doxygène plus basse pour skier à une vitesse
donnée que des sujets intermédiaires et débutants. Il semble
également que laugmentation de la vitesse produit une
moins grande augmentation de la consommation doxygène chez
les meilleurs skieurs que chez les moins habiles, ce qui suggère
que les moins bons skieurs deviennent de moins en moins efficaces
lorsque la vitesse de déplacement augmente. SHARKEY
[1984] a aussi démontré que la consommation doxygène est
entre 5 et 10 % plus basse chez des skieurs élites que chez
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