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Mai
01

Vous avez dit…?

Vous avez dit…? par Pierrette Bergeron

Un nouveau mot est apparu dans le monde de l’alimentation: nutraceutique. C’est une contraction de  » nutrition  » et  » pharmaceutique « . Ce terme désigne un aliment ou un ingrédient ayant un effet favorable à la santé, y compris la prévention et le traitement de maladies.(1)  On sait tous que plusieurs aliments ont toujours contribué à la santé. La nouveauté, c’est d’accorder des propriétés thérapeutiques à des aliments, c’est-à-dire que des aliments peuvent contribuer à guérir des maladies, ce qui était l’apanage des médicaments jusqu’à récemment pour la médecine occidentale.

Réglementation

Présentement, la Loi sur les aliments et drogues du Canada autorise des allégations thérapeutiques (ex. : fait baisser le cholestérol) seulement sur les étiquettes de médicaments. Les exigences pour obtenir un DIN (drug identification number) sont élevées : identification des substances actives et des mécanismes d’action, détermination des doses efficaces, tests de toxicité, évaluation des effets médicaux. Les aliments ne sont pas soumis aux mêmes exigences que les médicaments; les règlements de la Loi concernant les aliments visent surtout l’innocuité. L’industrie pharmaceutique peut obtenir des brevets pour ses produits, ce qui n’est pas le cas pour l’industrie agro-alimentaire, en général. La Loi est appelée à être modifiée pour permettre certaines allégations thérapeutiques sur les étiquettes des aliments.

 » Certains aliments font fureur au Japon. Une boisson rend les personnes du groupe sanguin O plus performantes, alors qu’une autre rend les personnes du groupe sanguin A plus altruistes. D’autres produits intègrent des substances naturelles prétendument relaxantes, embellissantes, etc. Qu’il s’agisse du bonbon antistress ou de la vinaigrette bonne pour le teint, ces allégations sont basées sur des résultats de recherches parcellaires ou scientifiquement non démontrés chez l’humain.  » (2)

Afin de protéger le consommateur et de ne pas l’induire en erreur, des recherches sérieuses devront prouver les effets allégués. Ce qui est plus complexe qu’il n’y semble. Même si les résultats d’une expérience démontrent des effets physiologiques bénéfiques pour un groupe, ils ne sont pas garants d’une meilleure santé pour la population. Les maladies sont multifactorielles; elles sont influencées, non seulement par l’alimentation, mais aussi par l’hérédité, l’exercice, le stress, les agents infectieux, etc. Par exemple, des études en laboratoire tendent à démontrer fortement que les antioxydants comme le carotène réduisent l’oxydation et diminueraient le risque de maladies, tel le cancer. Toutefois, l’efficacité du carotène dans la prévention du cancer du poumon n’a pu être démontrée lors d’un important essai clinique.

Produits nutraceutiques prometteurs

Certains produits nutraceutiques sont prometteurs; mais les études sur leur biodisponibilité (quantité réellement utilisée par l’organisme) et leurs mécanismes d’action sont insuffisantes.  (3)

  • Les données épidémiologiques indiquent que la consommation modérée d’alcool réduirait le risque de maladies cardiovasculaires, peut-être par une augmentation du cholestérol HDL (le bon) et une inhibition de l’agrégation plaquettaire. Le resvératrol-trans purifié du vin rouge module la synthèse hépatique du cholestérol, protège les lipoprotéines de l’oxydation et inhibe l’agrégation plaquettaire in vitro.
  • Les polyphénols du thé vert ou noir, notamment les catéchines, possèdent de puissantes propriétés antioxydantes.
  • Le son d’avoine a un effet hypocholestérolémiant qui relève surtout du glucane qui en est la principale fibre soluble.
  • Plusieurs herbes et épices ont des propriétés antioxydantes et antimicrobiennes. Le sulfure d’allyle de l’ail, la quercétine de l’oignon, le glutathione du persil et la curcumine du curcuma sont des composés actifs; toutefois, les doses fonctionnelles atteignent jusqu’à dix fois la quantité normalement utilisée, conférant une saveur rebutante.
  • Le lycopène de la tomate de même que les flavonoïdes, les isothiocyanates et les indoles du brocoli ont des propriétés antioxydantes.
  • Les phytoestrogènes retrouvés dans le soya et les graines de lin peuvent réduire les symptômes reliés à la ménopause.
  • Le fenugrec est riche en fibres, la plupart solubles, et en diosgénine, utilisée par l’industrie pharmaceutique à titre de précurseur de la progestérone.
  • La chicorée est une source d’insuline et de fructo-oligosaccharides, qui favoriseraient peut-être la multiplication intestinale de bactéries bifidus. Leurs effets bénéfiques comprendraient le renforcement de l’immunité, une digestion améliorée et une inhibition des pathogènes intestinaux.
  • L’acide linolénique se retrouve dans la bourrache, le gadelier noir et l’onagre bisannuelle, de même que dans certains petits fruits et champignons. Il est le précurseur de la prostaglandine E1, qui réduit l’inflammation, diminue la coagulation sanguine, contrôle la tension artérielle, réduit le taux de cholestérol sanguin et qui pourrait influencer l’immunité.
  • Le ginseng est utilisé en médecine traditionnelle chinoise pour renflouer l’énergie, tonifier les viscères, accroître la capacité mentale, augmenter la virilité et retarder le vieillissement! Chez l’animal, on a démontré que les ginsénosides Rb1 ou Rg1 rétablissent partiellement la mémoire lors d’amnésies médicamenteuses. Le Rb1 semble aussi augmenter la résistance au froid.
  • Le chrysanthèmematricaire est utilisé pour combattre la fièvre et les douleurs menstruelles, et il est approuvé au Canada à titre de remède naturel non raffiné contre la migraine. On recommande seulement l’utilisation de variétés testées cliniquement ayant une teneur en parthénolide d’au moins 0,2 %. La dose optimale reste à déterminer.

L’étude des nutraceutiques a l’avantage d’enrichir le vocabulaire, quoique les termes sont assez difficiles à placer dans une conversation mondaine !

Un marché lucratif

 » Le marché des produits nutraceutiques se développera au rythme des recherches sur les liens entre les aliments et la santé. On prévoit que ce marché peut devenir aussi important que celui des produits alimentaires et pharmaceutiques réunis, passant de 8 milliards $US en 1994 à 500 milliards en 2010 « .

L’industrie alimentaire veut cibler le segment de marché que constituent les personnes âgées. Ce segment augmente rapidement: l’âge moyen des Québécois passera de 37 ans en 1996 à près de 47 ans en 2041. À mesure que la population vieillit, les problèmes de santé augmentent. Les  » baby boomers  » seront très ouverts aux produits qui les garderont jeunes et en forme.

Le marché des produits nutraceutiques est florissant au Japon, parce que ce pays a été le premier à légiférer en ce sens, créant une catégorie d’aliments pour usage spécifique de santé (FOSHU ou Food for Specific Health Use), qui permet à ces produits de se positionner entre les aliments et les médicaments et d’utiliser des allégations santé sans avoir à subir les tests que requiert la mise en marché de médicaments. (4)

Une panacée ?

Si on cherche assez longtemps, on trouvera probablement toutes les substances actives qui composent les aliments, pour se rendre compte qu’il faut manger un peu de tout afin d’être en santé. Cependant, les produits nutraceutiques pourraient permettre de répondre de façon plus naturelle à des besoins thérapeutiques spécifiques.

  1. Institut national de la nutrition (1996).  » Produits nutraceutiques « . Rapport, vol. 11, no 1.
  2. DUBOIS, Lise (1996).  » L’aliment, un futur miracle de la biotechnologie ?  Sociologie et sociétés, vol. 28, no 2, p. 45-57.
  3. Institut national de la nutrition (1996).  » Produits nutraceutiques « . Rapport, vol. 11, no 1.
  4. Institut national de la nutrition (1996).  » Produits nutraceutiques « . Rapport, vol. 11, no 1.

Mai 1999

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