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Avr
15

Tour du mont Valin 2009

C’est reparti pour un tour(1). Coincé entre six paires de skis, trois sacs de vêtements, deux coffres de fartage, trois sacs d’épicerie et le siège du conducteur, je somnole dans l’auto. André, guidé par sa copilote ( Renée ) cramponnée aux poignées de l’auto, essaye de battre le record de Villeneuve, Québec-Lac St Jean.

Un crissement de pneus, un dernier dérapage et nous voilà rendus sains et saufs au Montagnais(2) pour prendre possession de notre chambre et manger un brin avant d’aller tester les skis au parc des Monts Valin. En engouffrant mes bagels avec le beurre de peanut en dessous ( j’ai l’estomac à l’envers ), je réussi à reprendre assez d’énergie pour faire une petite sieste.

14 h : fini le farniente, il faut aller tester les skis. On remet les casques et le rallye reprend en direction des Monts Valin. Après quelques dérapages ( contrôlés ), trois glissades ( contrôlées ) et plusieurs embardées ( non contrôlées ), un dernier coup de frein nous immobilise dans le stationnement graveleux du centre d’interprétation du parc. Mes skis sont en sueur(3). Ils sont plus à l’aise lorsque c’est moi qui les conduit(4).

Sous une légère pluie fine, une piste brunâtre, molle et humide nous sert de champ d’essai pour tester six klisters, quatre poussettes, huit gliders et cinq différentes structures. Le bilan de ces tests restera secret jusqu’à la fin de la course de demain. Satisfaits des performances de nos planches, on va tenter de battre notre chrono Montagnais – Mont Valin, sur le chemin du retour.

Arrêt chez Atmosphère, pour récupérer les dossards et prendre connaissance des dernières nouvelles concernant la course. Le magasin est magnifique et achalandé ( s’il vous manque des farts, ils les ont ). C’est avec plaisir qu’on rencontre les premiers amis, qui comme nous sont venus aux informations. Le trajet du 45 km est légèrement modifié dans ses premiers kilomètres ( mais la distance demeure inchangée ). On profite de cette première pause sociale : météo, conditions de neige, fartage, matériel, résultats de courses, état des pistes, projets pout l’été, tout y passe. Le temps passe lui aussi ( et vite ) et l’heure du souper approche ( celle de la douche également ).

De retour à l’hôtel, on prend le temps de s’étriller avant de descendre au restaurant où les amis sont déjà installés derrière des montagnes de spaghettis. La conversation reprend de plus belle : météo, conditions de neige, fartage, matériel, résultats de courses, état des pistes, projets pout l’été, tout y passe une seconde fois. Ce sont des angoisses métaphysiques concernant le fartage qui perturbent le plus mes compagnons : To rill or not to rill ? Telle est la question. Même l’excellent dessert(1) ne nous donnera pas la réponse. On va donc se coucher. Je pensais jeter un dernier coup d’œil à la météo, avant d’aller au dodo, mais la fatigue a eu raison de ma curiosité et je me suis endormi sans regarder la fin du film. Je ne sais pas comment il se termine. Je le verrais demain matin.

Dring, dring, il est six heures. On déjeune et on reprend la route du parc. Malgré un réveil matinal, pour s’assurer d’une place de stationnement proche de la ligne de départ, les lèves-très-tôt nous ont devancés et les occupent déjà à notre arrivée. C’est donc à pied qu’on se dirige vers un centre d’interprétation rempli à craquer. Entassés, les compétiteurs parlent les uns sur les autres.

L’ambiance de ligne de départ est omniprésente. Les participants s’affairent à épingler leur dossard, à faire la queue devant les toilettes, à régler leur GPS, à agrafer des gels à leur ceinture, à perfectionner le fartage, à connecter leurs synapses, à réchauffer leurs gants, à tester leur gourde, à fixer la puce électronique, à éponger un excès de stress… Certains sont occupés à ne rien faire.

Dehors, face au plateau de départ, trône la tente de Swix, sous laquelle Fred klisterise sans relâche. On retrouve également celle de Sportstats où un charmant gamin distribue les puces électroniques, celle réservée au réchauffement des compétiteurs ( agglutinés autour de deux brûleurs à gaz ) et les toilettes extérieures (6). Pour ne pas paraître trop désinvolte, je stimule mes pulsations sur l’aire de réchauffement et mon orgueil avec quelques tests de glisse.

Le premier départ est annoncé. Il est temps d’enlever le survêtement et de se concentrer. Dés que la vague qui me précède est partie, j’enjambe les barrières et je place mes skis derrière la ligne rouge. ‘’Départ dans deux minutes’’. S’il ne faisait pas si froid, les mouches seraient sorties et on les entendrait voler.

Et c’est un départ. Le commentateur y va de citations d’aréna:

 » Les meilleurs doivent être les meilleurs « ,  » Les attaquants sont affamés « . Je suis déjà bien loin pour entendre la suite. Encerclé par une bande d’excités, je me débats pour ne pas me faire aplatir. Il leur reste quarante quatre kilomètres pour s’éclater(6) et ils ne prennent même pas le temps de contempler le paysage. Ouf ! les turbos viennent de me distancer, le diesel va pouvoir skier à son rythme.

Après le coup de feu, une boucle d’environ sept kilomètres reconduit les skieurs au plateau de départ, devant les spectateurs ( pour les photos et pour récupérer des bâtons de rechange en cas de bris ). J’essaye d’impressionner les poursuivants en attaquant les premières montées ( éprouvantes ). Je vais me calmer. La piste large et miraculeusement bien entretenue offre une vue sur des centaines de mètres. C’est déprimant de voir que les premiers ont déjà ces centaines de mètres… d’avance.

Je skie seul, au milieu de collines enneigées que je n’ai pas grand temps pour admirer. Faute de compagnon avec qui partager mes pensées, je cogite en solitaire.

Où est-ce que j’ai mal ? Partout.

Qu’est ce que je fais là ? J’essaye de m’amuser.

Encore combien de kilomètres ? Beaucoup.

Pas bien fort comme élucubrations, mais ça passe le temps, jusqu’au premier relais: le refuge du Piedmont. Tempête sous un crâne, je suis confronté à la première décision importante de la journée : le choix du Gatorade , bleu ou orange ? Je préfère le bleu, mais si j’en renverse sur mon costume, les taches seront visibles et je ne paraîtrais pas à mon meilleur sur les photos. Le Gatorade orange me plaît moins; par contre si je le renverse, les taches ne se voient pas sur mon costume orange. Ma décision est vite prise : je ne bois pas ( ce qui me permet de parler avec les bénévoles au passage ).

Je commence à remonter les derniers skieurs des groupes précédents. Poli, j’encourage tout ce beau monde, tout en me préparant psychologiquement à la montée ( plusieurs kilomètres ) qui ne saurait tarder. Exigeante et difficile, elle me mènera jusqu’au sommet des Monts. Doubler les patineurs est particulièrement laborieux car la piste est molle et les dépassements sont pénibles. Les skieurs de classique, canalisés par les traces, nuisent moins à ma progression.

Au second poste de ravitaillement ( ruisseau Gabriel ), n’ayant toujours pas résolu mon problème de Gatorade, je décide à nouveau de ne rien consommer.

J’ai un dernier mur à gravir ( le bras de l’Enfer ) avant de commencer à rêver de faux plats et de descentes. Malgré les râles, les crampes et les douleurs, la montée se passe bien et c’est toujours en vie que je rejoins le sommet de la piste. Déguisés en gérant de banque, des kilomètres de vallons m’attendent pour hypothéquer mes jambes, mes poumons et mon cardio. Malheureusement pour eux, je vais maximiser ma glisse, économiser mon énergie, augmenter ma vitesse et concentrer mes actifs sur la technique.

La pancarte  » Bras des canots  » annonce la dernière descente, vertigineuse, longue et rapide. Les dérapages des skieurs précédents ont ravagé la piste. Par chance, les organisateurs ont demandé aux participants d’enlever les skis aux endroits stratégiques. Ce que je fais avec plaisir et soulagement, la vitesse étant un peu trop élevée à mon goût. Mes doigts ( sévèrement gelés l’an passé ) ne fonctionnent plus et je dois remettre les fixations à coup de pied.

Je n’ai pas le bilan exhaustif des objets perdus dans la descente mais j’ai remarqué : une paire de lunettes, deux bâtons brisés, trois tuques, deux gants et quatre gourdes ( et je ne suis loin d’être le dernier à être passé ).

La descente terminée, je sprinte le dernier kilomètre pour rejoindre la ligne d’arrivée et c’est avec plaisir que je me soumets au rituel habituel : me moucher, féliciter mes skis, remettre ma puce, abandonner ma réserve de stress, enfiler mon survêtement, arborer un air décontracté et embrasser les Officielles. Ensuite, je file sous la tente. Tiens, une ambulance(9)…

Réchauffé par la chaleur bienfaisante des deux brûleurs à gaz et requinqué par les tranches de fromage, les biscuits au son et le bouillon chaud, je m’offre un moment de  » gérance  » d’estrade avec les amis : évaluations, anecdotes, impressions, critiques, sensations, appréciations, conclusions… L’atmosphère est amicale et détendue. N’ayant pas mes lunettes(8), je n’arrive pas à déchiffrer la feuille des résultats provisoires . Par bonté d’âme, une jeunesse a fait la lecture de mes performances.

Horreur ! Dans la colonne Sex Class. (10) -, j’ai 20/32 ( un faible 62,5 % ). Ma blonde m’octroie généralement une bien meilleure cote. C’est une catastrophe. Honteux et dépité, je cours me diluer dans la foule au centre d’accueil.

Les conversations reprennent de plus belle alors que le centre se vide lentement, les participants retournant en ville ( et au banquet ). Avec mes chambreurs, on attend toujours Samuel ( qui n’a toujours pas terminé sa course ). L’inquiétude nous gagne. Finalement il franchira la ligne d’arrivée en motoneige. Victime de crampes au trentième kilomètre, il a trouvé refuge dans un des relais jusqu’à son rapatriement vers le plateau d’arrivée.

Une fois réunis, le dragster d’André nous propulse jusqu’à la chambre d’hôtel, la douche, la bière, les chips, une petite trempette dans la piscine et la sieste. C’est l’heure du repas.

On se fait beau et en route vers le banquet. Le tout Tour du Mont Valin est présent. Les conversations sont animées, nullement dérangées par l’intensité du brouhaha. Fred a amené à notre table la bouteille de défartant(12) de Jan et on trinque à sa santé. Les palabres reprennent, cette fois-ci autour de l’apéritif et des tourtières. Elles dureront jusqu’aux remises des médailles et des prix de présence. Le stress de ce matin fait place à la nostalgie d’une fin de saison.

Les résultats de la coupe des maîtres sont présentés aux skieurs. Mes félicitations à Louise, Nathalie, Diane, Gaétan et André.

Je fais du table à table(11) pour saluer les amis. Je ne reverrai certains d’entre eux que l’automne prochain.

Et voilà, c’est terminé. Avant de vous quitter, je tiens à remercier en votre nom, les bénévoles, les organisateurs, les commanditaires et toutes les personnes impliquées dans la réussite de l’événement.

À l’année prochaine. Bon vélo, bonne course à pied, bon ski à roulettes, bon canot, bonne randonnée, bon repos.

Amitiés

Paul

 

(1)Tour du Mont Valin, bien entendu.

(2)L’Hôtel le Montagnais est l’hôte de la compétition et la majorité des compétiteurs y logent.

(3)Une chance : ils sont fartés avec du Toko Hydro.

(4)Lire à ce sujet leurs excellents commentaires sur ma conduite, dans L’Écho des maîtres ( Loppet Boréal 2010 ).

(5)Pensant que les grains de café qui ornaient le dessert perturberaient leur dodo, les amis me les ont offerts. Je n’ose pas leur avouer que ces grains de café étaient …en chocolat. Merci.

(6)La puce active la chasse d’eau, lorsqu’on franchi le porte. On n’arrête pas le progrès.

(7)Comme me disait un grain de pop corn.

(8)Imprimez les résultats en caractères plus gros: les vieux maîtres ne transportent pas de lunettes dans les courses.

(9)Phil a été fortement impressionné par les épreuves de saut aux Olympiques. Il a tenté un triple salto au milieu de la seconde partie de la descente. Bilan : une commotion, une belle balafre, des points de suture, une promenade en motoneige et une balade en ambulance jusqu’à l’hôpital.

(10)Sur les résultats de Sporstats, l’expression a été remplacée par  » Gender Place « .

(11)On dit bien  » porte à porte « .

(12)Je vous raconte son histoire une prochaine fois.

 

 

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