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Fév
02

Programmation de l’entraînement en ski de fond

Programmation de l’entraînement en ski de fond par Guy Thibault
Dans mon article intitulé  » Quelques principes d’entraînement « , j’ai présenté trois principes d’entraînement et quelques applications de ces principes :

  • la surcharge : pour améliorer un facteur déterminant de la performance, il faut lui imposer une surcharge;
  • la progression : au cours d’une saison d’entraînement, il doit y avoir une progression logique de chacun des paramètres [par exemple, le kilométrage de la séance, l’intensité moyenne de la séance, le degré de difficulté de la séance, la durée de la récupération entre les répétitions de la séance intermittente, le nombre de séances par semaine, le nombre de séances  » difficiles  » par semaine, etc.];
  • la surcompensation : le niveau de développement d’un déterminant de la performance marquera une pointe si une période d’entraînement facile suit une période d’entraînement difficile.

Le but du présent article est de présenter un autre principe d’entraînement, le principe de spécificité, et d’illustrer les applications des principes par un exemple de programme d’entraînement.

Spécificité

 » L’adaptation à l’entraînement est spécifique à la nature des processus sollicités au cours de l’entraînement « .

Applications

Bêtement, si vous désirez augmenter la force de votre jambe gauche, il faut solliciter, à l’entraînement, la force de votre jambe gauche et non pas solliciter l’endurance de votre bras droit ! Les premières évidences expérimentales qui ont suscité l’adoption de ce principe sont du type de cette étude : on a mesuré le VO2max en natation et sur ergocycle d’un groupe de jeunes femmes avant et après un programme d’entraînement en natation [trois à quatre fois par semaine pendant trois mois]; le VO2max en natation des nageuses avait augmenté de 15 % après l’entraînement, mais leur VO2max sur ergocycle n’avait pas changé de façon significative. Les résultats de cette étude ont été confirmés par de nombreuses autres recherches du même type [course versus cyclisme; course en montagne versus course sur le plat; crawl versus papillon en natation, etc.].

D’autres études effectuées par la suite ont permis de constater que le principe de spécificité s’applique non seulement au type d’activité [nager versus pédaler], mais aussi à toutes les autres caractéristiques de l’entraînement, comme l’intensité. Ainsi, pour augmenter le VO2max en ski de fond, il faut s’entraîner à une intensité d’environ 100 % du VO2max [de 95 à 110 % du VO2max]; pour augmenter l’efficacité du style en ski, il faut s’entraîner en skiant à des intensités [c’est-à-dire à des vitesses] qui sont semblables aux vitesses à laquelle on effectuera la compétition pour laquelle on se prépare. En fait, on peut  » étendre  » le principe de spécificité de l’entraînement à toutes les composantes de l’entraînement. Ainsi, on peut dire, par exemple, que vous optimisez l’amélioration de votre capacité à skier rapidement sur une neige glacée si vous vous entraînez souvent sur parcours glacé et que vous n’optimiserez pas l’amélioration de votre habileté à monter des pentes abruptes si vous ne vous entraînez que sur le plat… On a même démontré que l’augmentation de la force par l’entraînement en musculation est plus prononcée lorsque le mouvement effectué au cours du test est effectué à la vitesse à laquelle l’entraînement a été effectué.

C’est pour respecter le principe de spécificité que l’on recommande de prévoir dans votre programme d’entraînement, des séances par intervalles comprenant des fractions d’effort à des intensités qui sont plus grandes que celles auxquelles on s’entraîne spontanément lorsqu’on fait des sorties de type continu.

Exemple d’application des principes d’entraînement

Le tableau suivant présente, afin d’illustrer l’application des principes d’entraînement, l’évolution des paramètres d’un programme d’entraînement conçu pour un skieur dont l’objectif est d’avoir une performance optimale dans une compétition de 30 km [style libre, objectif 1 h 20] qui aurait lieu au cours de la troisième semaine du mois de mars. On suppose que ce skieur a suivi un programme d’entraînement varié et  » d’entretien  » au cours de l’automne [course, course avec bâtons, ski à roulettes, musculation] et qu’il peut skier plus de 1 500 km au cours de la saison.

N.B. : Plusieurs éléments tels que les conditions d’enneigement, la météo, la disponibilité et l’état de santé du skieur, etc. pourront susciter des modifications du programme. Celui-ci est présenté afin d’illustrer des applications possibles de certains principes. Si vous n’avez pas la chance de profiter des services d’un entraîneur compétent, je vous suggère d’en trouver un ou, à défaut de cela, de vous créer un programme adapté à vos besoins et respectant les principes fondamentaux de l’entraînement moderne. Au cours de la saison, adaptez votre programme s’il le faut. Surtou; ne tentez pas de suivre le programme présenté ici qui n’est qu’un exemple. Consultez-le plutôt comme guide pour mieux comprendre les principes d’entraînement et concevez votre propre programme d’entraînement en tenant compte de vos objectifs, de vos besoins et de votre disponibilité.

Voir Tableau

Tableau Programmation de l’entraînement en ski de fond

semaine du lundi particularité période km/sem degré difficulté pratique de style continue 60-70 % continue 70-80 % interm. 75-85 % interm. 85-95 % interm. 95-110 % musculation autre aérobie
1 22 nov. Initiation 35 60 4 1 1 0 0 0 3 3
2 29 nov. Camps maîtres Progression 30 65 4 2 0 1 0 0 3 2
3 6 déc. Progression 60 70 3 1 1 0 0 1 2 1
4 13 déc. Facile 55 65 4 2 0 0 1 0 2 1
5 20 déc. Progression 80 75 2 1 0 1 0 0 1 0
6 27 déc. Progression 90 80 2 2 1 0 1 0 0 1
7 3 jan. Progression 95 85 2 2 1 0 1 1 1 1
8 10 jan. Facile 80 80 3 2 1 0 0 0 0 1
9 17 janv. Progression 95 90 1 3 0 1 1 1 1 0
10 24 janv. Progression 100 95 1 3 1 1 1 1 0 1
11 31 janv. Progression 100 100 1 3 1 1 1 1 1 1
12 7 fév. Facile 80 90 2 2 0 1 1 1 0 1
13 14 fév. Gatineau 55 Intensive 110 120 0 2 0 0 2 1 1 0
14 21 fév. Loppet MSA Intensive 110 120 0 3 0 1 2 0 1 0
15 28 fév. Intensive 130 120 0 3 0 0 2 1 1 0
16 7 mars Affûtage 70 80 2 2 0 1 1 0 0 0
17 14 mars Affûtage 70 80 2 2 0 0 1 1 0 0
18 21 mars Champ. can. Surcompensation 90 70 2 2 0 1 1 0 0 0
19 28 mars Entretien 75 70 0 3 1 0 0 0 1 1
20 4 avril Entretien 65 70 0 3 1 0 0 0 1 2

N.B. : Programme conçu en partie à l’aide du logiciel  » SNOWMANN « , propriété exclusive de Salomon, s.a., Annecy, France, développé au Québec par Guy Thibault, Ph.D. et Yves Sabourin, ing.

Légende

  • Degré difficulté : Exprimé en %, indique l’importance subjective de l’effort nécessaire pour accomplir chacune des séances difficiles de la semaine. Une séance d’un degré difficulté de 100 % comporte un volume et un patron [agencement des fractions d’effort et de récupération] tels, qu’elle s’accompagne d’une fatigue dont on a généralement totalement récupéré après une journée de repos total ou après une journée d’entraînement facile.
    Pratique de style : Période de 10 à 20 minutes au cours de laquelle on effectue divers exercices [ou  » éducatifs « ] afin d’améliorer son style [exercices d’équilibre, ski sans bâtons, apprentissage de nouveaux pas, séances de vidéo, etc.]. Ces périodes peuvent faire partie de l’une ou l’autre des séances d’entraînement.
  • Continue 60-70 % : Séance d’entraînement continue, c’est-à-dire qu’on l’effectue à une intensité à peu près constante et se situant entre 60 et 70 % du VO2max [s’accompagne d’un léger essoufflement et de l’impression qu’on peut maintenir l’intensité pendant très longtemps sans problème]. Malheureusement, trop de skieurs ont tendance à ne faire que ce genre de séances : c’est peut-être l’intensité idéale pour admirer la nature mais certainement pas pour améliorer la performance !
  • Continue 70-80 % : Intensité à peu près constante et assez élevée : se rapproche de l’intensité qu’on maintiendrait au cours d’une compétition de plus de 4 heures [c’est du  » continue rapide « , mais pas un effort conduisant à l’épuisement]. Exemple : sortie de 1 h 30 dont 45 minutes à un rythme un peu plus élevé que celui qu’on observe spontanément au cours d’une séance continue facile.
  • Interm. 75-85 % : Séance d’entraînement de type intermittent, c’est-à-dire que l’intensité est d’environ 60-70 % du VO2max au cours des fractions de récupération d’une durée de 2 à 10 minutes] et de 75-85 % du VO2max au cours des fractions d’effort [d’une durée de 3 à 15 minutes]. L’intensité peut être  » imposée  » par les montées ou par une augmentation de la vitesse sur le plat. Exemple : 1 h 45 dont deux ou trois fractions d’effort de 10 minutes entrecoupées de périodes de récupération active [continuer à skier mais lentement] de 5 minutes.
  • Interm. 85-95 % : Idem, sauf que l’intensité des fractions d’effort est d’environ 90 % du VO2max, ce qui correspond à l’intensité qu’on peut maintenir au cours d’une compétition d’environ 45 minutes : fractions d’effort de 1 à 5 minutes et fractions de récupération de 1 à 3 minutes. Encore une fois, l’intensité peut être imposée par les montées ou par une augmentation de la vitesse. Exemple : sortie de 1 h 20 comprenant deux séries de quatre fractions d’effort de 3 minutes entrecoupées de périodes de récupération active de 2 minutes.
  • Interm. 95-110 % : Fractions d’effort de 15 à 90 secondes et fractions de récupération de 1 ou 2 minutes. Exemple : trois séries de cinq fractions d’effort de 1 minute [monter une pente courte mais abrupte] entrecoupées de périodes de récupération active de 1 minute entre les répétitions et de 5 minutes entre les séries.
  • Musculation : Avec appareils, deux à cinq séries de dix à 50 répétitions dynamiques, sollicitation des groupes musculaires les plus utilisés en ski de fond. N.B. : contrairement à la croyance populaire, on peut conserver et même continuer d’augmenter les qualités musculaires [à condition d’avoir suivi, au préalable, un programme intensif d’au moins deux mois à raison de quatre à cinq séances par semaine] avec une séance de musculation aux sept à quinze jours.
  • Autre aérobie : Séance d’entraînement  » hors-neige « , par exemple, course à pied, course avec bâtons, ski à roulettes, vélo, natation, etc.

À constater :

  • Évolution progressive et par cycles du kilométrage hebdomadaire et du niveau de difficulté.
  • Période  » intensive  » comprenant deux compétitions et suivie d’une période d’affûtage et de surcompensation d’une durée totale de trois semaines.
  • Augmentation de la fréquence des séances  » d’entraînement spécifique  » [Interm. 85-95 % du VO2max] entre la semaine 4 et la semaine 15.
  • Les entraînements des semaines 1 à 12 visent à donner la  » base  » nécessaire pour réaliser les séances très difficiles de la phase intensive. La diminution du volume et du niveau de difficulté des séances au cours des semaines qui suivent vise à provoquer une surcompensation des qualités physiologiques et donc une performance de pointe.

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